« Il faut garder la beauté dans le cœur des hommes »
Né en 1958 à Turin, A.Baricco vit à Rome avec son épouse et ses deux fils.
A 48 ans, ses romans ont déjà été traduits en 30 langues et l’écrivain a réussi le pari de réconcilier la culture et les médias.
Après des études de philosophie et de musique, il s’oriente vers le monde des médias devenant rédacteur publicitaire, journaliste et critique pour des magazines italiens. Il présente aussi des émissions sur la littérature et l’art lyrique à la télévision italienne et collabore à LA REPUBBLICA où il réalise Il Barbari en 2006.
A 33 ans, il publie son premier roman, Les Châteaux de la colère qui reçoit en France le Prix Médicis étranger en 1995. Il s’en est vendu près de 300 000 exemplaires ! Il dira que depuis l’âge de 30 ans, il n’a rien fait d’autre qu’écrire.
« J’ai tout écrit sauf de la narration. J’écrivais avec la même désinvolture des fantaisies sur les moteurs de bateaux, des élégies sur le champagne italien ou les discours des candidats à la députation ». Mais « je savais , j’avais toujours su que j’écrirai des histoires. »
Oceano Mare décroche le prestigieux prix Viareggio. Puis arrive en France le troisième texte de fiction de Baricco, Soie, une épure : « J’ai écrit ce livre pour moi. Il a passé les 300 000 exemplaires ! Le succès est une démesure, trop de pouvoir, trop de haine. On n’est plus jugé sur ce que l’on est, plus rien n’a de sens ».
Alors, il décide d’ouvrir une école. « Ecrire rend fou. Il fallait que je fasse quelque chose d’autre. Dans le contexte de la culture, aujourd’hui, ce qui compte c’est l’école. : celui qui sait quelque chose doit le faire savoir aux autres. »
C’est ainsi qu’en 1994, avec quelques amis ,il fonde et dirige à Turin une école de narration, où les élèves ont entre 19 et 30 ans, la Scuola Holden, au 118 du corso Dante, au bord du Pô. Il s’agit bien d’une école de narration, pas d’écriture. « On étudie la pub, la voix des comédiens, les tableaux de Giotto, le sport. Le rythme, surtout.
On travaille la narration orale, on combat les limites de l’embarras physique. » Ensuite on peut s’essayer à écrire… Un succès pour la première promotion « On est bombardé par des stimuli qui nous forcent à remettre en question notre conscience d’écrire… »
Et puis, l’homme-orchestre ajoute quelques cordes à son …piano. : en 1997 paraît en français Novecento pianiste, un monologue pour le théâtre, joué en France par le Théâtre de La Rive, en mars 2010.
Désireux de mêler ses textes à la musique, en 2001, il demande au groupe musical français Air, de composer une musique pour City, paru en 1999. Baricco, accompagné par les musiciens met lui-même en scène « City reading project» et lit ses textes en public.
Dans la traduction moderne de l’Iliade, il s’est lancé dans une lecture –marathon. Un gigantesque succès populaire ! Avec lui la littérature prend vie !
Il orchestre la mise en scène de Novecento qui devient « La légende du pianiste sur l’océan », film de Guiseppe Tornatore. « Du point de vue narratif, le geste du cinéma aujourd’hui, c’est comme le centre du monde, la forme privilégiée la plus puissante. »
Il produit son premier film « Lezione 21 » écrit et réalisé par lui., en 2008. Film sur la musique avec ,au centre, la Neuvième symphonie, sur un scénario original de son cru.
Sin Sangre une métaphore d’un Chili qui n’en finit pas d’osciller entre guerre et paix, est adapté au théâtre-cinéma par la troupe Teatrocinema.
C’est François Girard qui a réalisé le film adapté de Soie . A. Baricco dit qu’il a « redécouvert les sources d’écriture…J’avais oublié le point de départ de Soie si peu cinématographique. Je voulais faire une histoire d’amour sans un mot. » Il se montre enchanté : « c’est un film intelligent, sensible, d’une très grande élégance. Ce que je n’aurais jamais pu faire moi-même. »
Invité par la MSHS en novembre 2008, pour l’exposition Culture de l’écriture, sur le thème : «Romanciers et l’ordinateur », il livre , en français, son sentiment sur le métier d’écrivain.
« C’est mon métier préféré … le plus proche de mon talent principal … Je vois la littérature comme un laboratoire … Ecrire, cela n’a jamais été un geste difficile pour moi, jamais : c’est une situation que j’adore ! C’est un peu dangereux du point de vue psychologique. On peut devenir fou … car on écrit dans la solitude …C’est pour cela que je fais d’autres choses … Je fais beaucoup de théâtre. C’est un travail collectif, très physique … C’est aussi proche de l’inspiration que tu as, quand tu écris des livres. »
La musique imprègne toute l’oeuvre du romancier .La présence musicale rythme le texte comme une partition « J’écris dans un style où la musique est très importante. Je n’ai pas de talent musical … j’ai mis la musique dans l’écriture Le personnage principal de Novecento pianiste, c’était un désir que j’avais d’être moi-même ».
Ainsi, changements de rythmes, lenteur et vélocité, narration multiforme, phrases inachevées, construisent l’œuvre de Baricco.
Il y a toujours une histoire d’amour chez lui et une belle sensualité….Absence de l’amour, attente de l’amour … exacerbé par le manque … « Dans le laboratoire de la littérature, on peut développer cette situation de l’absence de l’autre en créant une géographie de l’amour qui est cachée.»
Il y aussi des enfants souvent géniaux. A protéger … Le petit Novecento, Nina et Tito de Sin Sangre, Gould et Shatzy de City, Elisewin dans Océan Mer, Pehnt et Mormy dans les Châteaux de la colère, Ultimo de Cette Histoire-là …
Avec la guerre en toile de fond. Récurrente… la guerre comme révélateur dans Cette Histoire-là. « La guerre nous conduit au cœur de l’Histoire. Elle témoigne de la barbarie humaine. Mes personnages , eux, sont animés par un rêve, ils veulent construire quelque chose. Et la guerre, la barbarie met du désordre dans leurs projets : ça m’intéresse de voir comment, malgré tout, ils vont aller jusqu’au bout . »
Sin Sangre pointe les dérives de l’idéologie.
« -… on ne voulait pas en arriver là, nous, ce sont les autres qui ont commencé … Nous avons lutté pour faire ce qui était juste .
-En tirant sur des enfants ?
-Oui, si c’était nécessaire …ça ne faisait plus de différence que ce soit des vieux ou des enfants … »
Pourtant … malgré l’horreur, l’amour ne meurt pas, la vie bat.
« Après les tueries , les gens continuent de se marier, de faire des enfants, … à assumer les devoirs de la vie quotidienne ; ça demande beaucoup de courage, avec une puissance , une beauté que j’admire … Il faut garder la beauté dans le cœur des hommes.
Quand il a retraduit l’Iliade, d’où les dieux sont absents, ce qui revient en boucle , dans les propos de Baricco, c’est l’opposition entre les jeunes et les vieux : « la guerre est une obsession des vieux qui envoient les jeunes la faire. »
Car l’Iliade est une apologie de la guerre. Mais, en relisant l’épopée, il découvre qu’« Une des choses surprenantes de l’Iliade, c’est la force, la compassion même, avec laquelle sont rapportées les raisons des vaincus. L’histoire y est écrite par les vainqueurs, et pourtant, dans la mémoire, restent aussi, et peut-être surtout, les figures humaines des Troyens … Ce sont souvent les femmes qui énoncent, de façon directe, le désir de paix … »
Optimiste, A. Barrico ? En tout cas, philosophe et humaniste, il ne cesse de nous interpeller. Mais c’est d’abord un poète, qui dans Océan Mer, chante la mer en images saisissantes.
(lire Folio, p. 104) La mer, symphonie puissante, métaphore de la destinée …
Dans son œuvre déroutante, onirique, parfois violente et cruelle, le romancier à la fantaisie débridée, brosse des personnages tantôt burlesques, étonnants, pathétiques, attendrissants, tantôt inquiétants, fantasmagoriques … Il raconte dans un style aux multiples facettes, la quête de chacun du côté de la vie.
On sourit, on s’émeut, on philosophe,, dans un monde romanesque, parfois hors du temps et de l’espace, à la limite du réel et de l’imaginaire …
A.Baricco manie la langue en magicien, jouant de tous les styles et compose ses textes comme une partition. Il nous invite à accompagner ses héros dans leur quête singulière … Au bord de la vie, obstinés à poursuivre leur rêve, pour en vivre. Ou … jusqu’à … en mourir.
… « l’unique, la plus douce protection contre toutes les peurs, c’est celle-là – un livre qui commence. Qui peut comprendre quelque chose à la douceur, s’il n’a jamais penché sa vie, sa vie toute entière, sur la première page d’un livre ? »
Sources : La Croix- l’Express- Lire- Lecture-écriture- Wikipédia- Libération- L’Internaute- Philosophie et Littérature- Les trois coups- Biblio blog- Fluctuat net- MSHS(Maison des sciences de l’homme et de la société- de Poitiers).
Billet rédigé par Antonine
[…] ouvrit la séance avec une biographie très […]